vendredi 12 juillet 2024
Jeannine Nafissatou Nignan est une ingénieure de travaux en génie civil, actuellement en spécialisation en management de qualité, sécurité et environnement. Avec seulement quatre années d’expérience professionnelle, elle s’illustre dans un domaine souvent considéré comme « réservé aux hommes », prouvant que la passion et la détermination peuvent briser les stéréotypes.
Jeannine a obtenu sa licence en génie civil à l’université Nazi Boni de Bobo Dioulasso. Désireuse de se perfectionner, elle poursuit un master 2 en management environnemental. Ces qualifications lui ont permis de bâtir une carrière solide, marquée par quatre années d’expérience professionnelle où elle a su faire ses preuves sur divers chantiers.
Depuis son enfance, Jeannine a été inspirée par sa grand-mère, passionnée par la construction. « Depuis toute petite, je voyais ma grande mère qui aimait se mettre dans tout ce qui était bâtiment. Elle n’était pas ingénieure mais dès qu’il y avait une construction à faire, elle aimait mettre la main dans la pâte. Lorsqu’il y a un petit trou, elle le bouchait. Donc cela m’a tiqué depuis petite et quand j’ai eu le bac, j’ai décidé de m’orienter en génie civil. On m’a dit que ce n’était pas un domaine pour les femmes mais j’ai dit que j’aimais et que j’allais m’essayer », a expliqué Jeannine Nignan.
Malgré les préjugés selon lesquels le génie civil n’est pas un domaine pour les femmes, Jeannine a persisté, motivée par sa passion et le soutien de modèles comme Mahmadou Zi, son directeur général actuel.
Ce dernier, selon elle, lui a transmis son amour pour les briques en terre comprimées (BTC) et l’importance des matériaux locaux.
Pour Jeannine, réussir dans le génie civil nécessite une base solide en technique et un dynamisme à toute épreuve. L’un de ses plus grands défis est de se faire respecter en tant que femme sur les chantiers, où elle doit souvent s’imposer face à des ouvriers réticents.
« Quotidiennement, le défi auquel je fais face est la collaboration avec les ouvriers. Comme je suis femme, pour me faire respecter souvent ce n’est pas facile. Donc le défi majeur c’est surtout de se faire respecter sur les chantiers », a-t-elle indiqué.
Apprendre à gérer ses émotions et à s’affirmer a également été crucial pour elle. « J’avoue qu’au début ce n’était pas du tout facile de gérer les crises sur les chantiers. Etant une femme, je suis très émotive, très émotionnelle donc lorsque nous sommes stressées ou en colère, facilement on fond en larmes sur le chantier. Il a fallu du temps pour dompter ce sentiment et apprendre à taper du poing sur la table. Finalement, j’ai opté pour le calme et l’écoute et pouvoir m’exprimer quand la personne est un peu plus ouverte à la discussion », a expliqué Jeannine Nafissatou Nignan.
Le projet qui l’a le plus formée est la pose de plaquettes de décoration à l’aéroport de Donsin. En neuf mois, elle a relevé ce défi malgré des contrôles rigoureux et des ouvriers peu réceptifs. Ce succès lui a apporté une grande fierté et a renforcé sa détermination à exceller dans son domaine.
« Avec le contrôle qui était très rigoureux et les autorités qui étaient tout le temps présentes et avec surtout mes ouvriers qui n’étaient pas vraiment à l’écoute, c’était un challenge pour moi. Au début, avec les ouvriers, il y avait trop d’altercations au point où je pleurais sur le chantier parce que le contrôle te martèle, tu leur parles et eux ils n’écoutaient pas donc c’était un bras de fer entre nous. Mais vu que j’ai pu mener à bien ma mission et que tout le monde était satisfait du résultat, j’ai été vraiment fière. Il y a d’autres projets dont je suis fière, mais ce projet m’a vraiment formée », a-t-elle déclaré.
Équilibrer vie professionnelle et personnelle est un défi constant pour Jeannine, compte tenu des exigences de son métier. Elle souligne la nécessité d’une planification rigoureuse pour pouvoir consacrer du temps à sa famille. Elle conseille également de s’entourer d’une équipe fiable pour réussir à jongler entre les deux sphères.
Comme ambition, elle aspire à figurer parmi les dix meilleures femmes du génie civil dans les dix prochaines années, avec des réalisations de qualité et surtout durables. « Le conseil que je peux donner à mes jeunes sœurs, c’est vraiment d’être courageuses et je le dis même à mes stagiaires. Si tu n’es pas courageuse, tu vas abandonner. Déjà sur les bancs, elles-mêmes voient ce qui les attend sur le terrain ou bien dans les bureaux d’études. Moi je suis plus terrain et c’est encore plus stressant donc si tu n’es pas une guerrière, tu risques de lâcher prise très rapidement », conseille-t-elle à toutes celles qui veulent se lancer dans le domaine du génie civil.
Hanifa Koussoubé
Lefaso.net