dimanche 1er septembre 2024
Alors que les disparitions d’enfants se multiplient au Burkina Faso, la Brigade régionale pour la protection de l’enfant (BRPE) intensifie ses efforts pour protéger les plus jeunes et sensibiliser la population. Donfoui Bonkian, commissaire principal de police, chef de la Brigade régionale pour la protection de l’enfant (BRPE) du Centre, nous éclaire sur les causes de ces disparitions, les procédures à suivre en cas d’incident ainsi que les actions mises en place pour prévenir les cas de disparitions. Lisez plutôt !
Lefaso.net : Présentez-nous la Brigade régionale pour la protection de l’enfant.
Donfoui Bonkian : La Brigade régionale de la protection de l’enfant est un service du ministère de la Sécurité, plus précisément de la Police nationale, qui existe depuis 2009. C’est un service présent dans toutes les treize régions du Burkina Faso. La BRPE est spécialisée dans la protection des personnes vulnérables. Et qui dit protection des personnes vulnérables parle des enfants et des femmes. Nous avons des attributions en matière judiciaire et administrative. En matière judiciaire, notre compétence se résume dans les limites des Tribunaux de grande instance. Sur le plan administratif, nos actions s’étendent sur l’ensemble du territoire de la région du Centre.
Nous avons comme missions la protection des personnes vulnérables, c’est-à-dire de lutter contre toutes les violences, les atteintes faites à ces personnes vulnérables que sont les enfants et les femmes.
Parlant des cas de disparitions des enfants, quelles sont les principales causes ?
Nous résumons cela au comportement des parents vis-à-vis des enfants ; ce que nous qualifions de maltraitance. Vous convenez avec moi que si un enfant a reçu une bonne éducation de la part des parents, l’enfant pourrait éviter beaucoup de problèmes. Le plus souvent dans nos enquêtes, dans nos auditions, nous comprenons que les parents y sont responsables. Certains parents le font par ignorance et d’autres se disent que c’est une manière de corriger l’enfant. Et les violences ne sont pas uniquement physiques, c’est-à-dire porter la main sur l’enfant ou bien par un moyen quelconque. Non, ce n’est pas cela. Il y a ce que nous appelons les violences morales et psychologiques et les violences sexuelles, etc. Il y a toute une panoplie de violences que les parents commettent sur les enfants sans se rendre compte, et c’est cela qui amène parfois les enfants à quitter le domicile à l’insu de leurs parents. Et après ils viennent dire que l’enfant a été enlevé, sans pour autant faire une analyse de leur propre comportement vis-à-vis de l’enfant dans la famille.
Quelle est la procédure à suivre par les parents lorsqu’un enfant disparaît ? Quels sont les premiers lieux à inspecter ? Quels sont les premiers réflexes à avoir ?
La procédure à suivre lorsque qu’un enfant est déclaré sorti ou disparu, la première des choses, c’est de faire une déclaration. Vous n’avez même pas besoin d’attendre. La déclaration à l’autorité et au niveau du voisinage. Il faut déclarer, informer les voisins de la situation de l’enfant. Vous avez constaté à un moment donné que l’enfant n’est pas à domicile, vous informez les voisins et immédiatement vous vous rendez devant l’autorité pour faire la déclaration. Par autorité, je parle de la police, de la gendarmerie. Il y a les différents commissariats qui sont là, les différentes brigades de gendarmerie et les brigades régionales de protection de l’enfant. Donc le premier réflexe, c’est d’aller déclarer la disparition.
Il n’y a pas de lieu en tant que tel. Dès lors que vous constatez, le premier réflexe c’est de voir au niveau du voisinage et de faire la déclaration, pour étaler le champ de recherche.
Après combien de temps intervenez-vous lorsque vos services sont contactés ?
Il n’y a pas un temps en tant que tel. Dès lors que nous sommes saisis d’un cas de déclaration de sortie d’enfant ou d’un enfant qui a fugué, immédiatement, nous écoutons les parents, la personne qui est venue déclarer la sortie de cet enfant. Et nous cherchons à savoir dans quelle circonstance cela s’est passé. Le plus souvent, c’est à base des explications que nous recevons que nous commençons à mettre un dispositif de recherche en place. À travers les explications que nous recevons le plus souvent, nous arrivons à découvrir pas mal de choses qui nous donnent des pistes de recherche.
Quelles sont les méthodes que vous utilisez pour retrouver un enfant ?
Tout part des circonstances dans lesquelles l’enfant est sorti de la maison, des informations fournies par les parents qui sont venus signaler la disparition. Ces informations nous éclairent car le plus souvent, on nous fait savoir que l’enfant a été vu le matin, telle personne était venue lui rendre visite, ils étaient assis ensemble et après nous ne les avons plus jamais vus. D’office, nous identifions l’autre enfant qui était avec lui, nous nous rendons à son domicile, nous prenons le maximum d’informations avec ses parents. Si cet enfant est présent chez lui et que c’est votre enfant seul qui n’est pas là, c’est autre chose. Mais si cet enfant aussi n’est pas là, c’est aussi un autre cas. Nous essayons aussi de voir s’il y a des contacts téléphoniques afin de les exploiter. Donc c’est un ensemble de recherches.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Les difficultés que nous rencontrons le plus souvent sont liées à l’obtention de l’information juste, pour nous permettre d’évoluer dans nos enquêtes. Pas une réticence en tant que telle, mais les gens sont un peu difficiles, car ils se retiennent beaucoup pour fournir les informations. Je pense que c’est par ignorance parce que les gens se disent « est-ce que les informations que je porte à la connaissance de l’autorité ne vont pas à un certain moment donné me compromettre ? » Donc c’est l’information qui est un peu difficile à avoir.
Est-ce que nous pouvons avoir des chiffres récents sur les cas de disparitions des enfants dans la région du Centre ?
Au niveau de la Brigade régionale de la protection de l’enfance, ce que nous recevons le plus souvent est communément appelé déclaration de sortie. Dès lors que le parent constate que son enfant n’est pas à domicile, ou que l’enfant en sortant n’a pas donné sa position, d’office, on se dit que l’enfant a disparu. Et c’est là qu’ils viennent auprès de l’autorité faire une déclaration. C’est dans ces déclarations maintenant, quand nous écoutons, que nous arrivons à comprendre beaucoup de choses. Le parent vient déclarer une sortie, mais il y a des cas où l’enfant est juste égaré, vu son âge. Le parent, par ignorance, l’a envoyé exécuter une commission et l’enfant au retour ne s’est plus retrouvé ; et on vient faire une déclaration. Ou bien dans les explications, nous comprenons que l’enfant a subi une violence de la part de ses parents et à cause de cela, il s’est énervé et a quitté le domicile.
Dans nos canevas de relevés chiffrés, nous avons ce que nous appelons la déclaration de sortie d’enfant, ainsi que les enfants égarés retrouvés. Pour ce qui est de la déclaration de sortie d’enfants dans mon service, en 2021, le nombre de cas reçus était de 220. En 2022, nous étions à 243 et en 2023, nous avons reçu 228.
Pour le cas des enfants égarés retrouvés, il y a des citoyens qui, dès lors qu’ils retrouvent un enfant dans la rue, le conduisent dans nos services. Pour ces cas, en 2021, nous avons reçu 95 enfants ; et en 2022, nous avons reçu 119 enfants égarés et conduits dans nos services. En 2023, nous avons reçu 57 enfants.
La semaine du 17 au 25 août 2024, cinq enfants ont été retrouvés dans la rue et conduits dans notre service. Et nous avons aussi reçu six déclarations de sorties d’enfants. Cela m’a tellement touché et j’ai dit qu’il faut que l’on en parle.
Y a-t-il des périodes de l’année où les cas de disparitions d’enfants sont plus fréquents ?
Je dirai la période des vacances, car c’est une période où les enfants ne vont plus à l’école et la plupart sont laissés à eux-mêmes. Beaucoup sont ces parents qui n’ont pas élaboré un programme d’occupation pendant les vacances, donc les enfants sont laissés à eux-mêmes. Nombreux sont ceux-là aussi qui se disent qu’il faut utiliser les enfants à autre chose pour leur permettre de devenir des hommes de demain, et c’est ainsi qu’ils vont envoyer les enfants effectuer certaines activités. La semaine dernière, un enfant de 8 ans a été retrouvé dans la rue en train de vendre des serviettes, et a été conduit chez nous. L’enfant ne pouvait même pas donner le nom de ses parents, ni aucun contact. Un enfant de 8 ans qui tenait des serviettes que les parents lui ont données pour qu’il vende. C’est une situation qui a marqué tout le monde.
Organisez-vous des programmes de sensibilisation à ce sujet ?
Comme dans tout service, nous avons un programme d’activités. Notre mission principale est la protection de l’enfant. Donc la sensibilisation est la première action que nous priorisons ici et cela est fait sur la base de programmes d’activités établis. Nous sensibilisons à tout moment. Lorsqu’une situation arrive à notre niveau, nous profitons de l’occasion pour sensibiliser les uns et les autres. Mais nous faisons périodiquement des sorties sur le terrain pour effectuer des sensibilisations. Donc notre service dispose d’un programme d’activités entrant dans le cadre de la sensibilisation prioritairement.
Quelles sont les mesures préventives que vous recommandez aux parents pour éviter les cas de disparitions ?
Les mesures préventives, c’est que les parents soient regardants vis-à-vis de leurs enfants, c’est-à-dire leur inculquer les bonnes pratiques. Ils doivent à tout moment s’assurer de la présence de l’enfant. Les parents doivent aussi apprendre à leurs enfants à connaître leur identité et si possible connaître leur adresse téléphonique. De plus, les parents doivent être des modèles pour leurs enfants, c’est-à-dire être responsables et s’assumer pour tout ce qui concerne les enfants.
Je profite de l’occasion pour interpeller les enfants. Je vous invite à être à l’écoute de vos parents, respecter les consignes qu’ils vous donnent. Vous devez être également à mesure d’alerter, de signaler dès lors que vous savez, que vous subissez une violence quelconque de la part d’une personne inconnue.
Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter ?
L’enfant appartient à la société, son éducation ne relève pas que des parents. Tout le monde doit être à mesure de donner des conseils à un enfant. Les populations doivent collaborer surtout avec les forces de sécurité telles que la police, la gendarmerie ou autres forces de défense et de sécurité. Il faut avoir le courage de dénoncer. Il y a l’existence des numéros verts et en plus pas besoin d’unités pour appeler. C’est l’occasion pour nous de les citer. Il y a le 116, le 16, le 17, le 110 et le 80001287. Voilà un ensemble de numéros que le citoyen peut à tout moment composer pour déclarer une situation portant sur des violences faites à un petit enfant.
Interview réalisée par Hanifa Koussoubé et
Nemata Roamba (Stagiaire)
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