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Portrait de femme : Aveugle, Eliane Ouédraogo Bambara a préféré le travail à la mendicité

samedi 9 mars 2024

Malvoyante depuis sa naissance et aveugle depuis quatre ans maintenant, Eliane Ouédraogo Bambara n’a pas laissé son handicap prendre le dessus. Elle a décidé de produire et de commercialiser le soumbala (que certains appellent « moutarde africaine ») pour être à l’abri du besoin. Nous l’avons rencontrée à son domicile à Zagtouli, un quartier de Ouagadougou, où elle produit son soumbala.

Quand on l’aperçoit à quelques mètres, on ne se rend pas compte que dame Eliane Ouédraogo Bambara est aveugle. Sans canne et sans toucher le vide, elle se déplace aisément dans sa cour. La quinquagénaire et mère de quatre enfants n’est pourtant pas née avec ce handicap. « C’est en 2020 que j’ai complètement perdu la vue. Selon les médecins, j’ai été victime de la maladie appelée limbo-conjonctivite endémique des tropiques. Comme j’avais toujours des problèmes de vision, j’étais fréquemment à l’hôpital pour des soins », nous explique-t-elle.

À l’époque, elle n’avait que 22 ans. Les ophtalmologues lui annoncent qu’en raison de la fragilité de ses nerfs optiques, elle pourrait perdre la vue à 45 ans. « C’était douloureux comme nouvelle et j’ai commencé à me rendre dans toutes sortes de prières religieuses car je ne m’imaginais pas aveugle. Effectivement, comme les médecins l’ont dit, à ma 46e année, j’ai complètement perdu la vue un matin en 2020. Cet épisode a été très difficile pour moi et j’ai déprimé », se rappelle madame Ouédraogo.

Voyant que sa santé se détériorait après la perte de sa vue, une amie la réconforte et lui conseille de fréquenter l’Union nationale des Associations burkinabè pour la promotion des aveugles et malvoyants (UN/ABPAM) pour pouvoir s’adapter. C’est ainsi qu’en 2022, elle s’y rend. « Là-bas, j’ai compris que mon handicap n’est pas une fatalité et j’y ai même rencontré de cas pires que le mien. Il y a des gens qui sont nés aveugles sans jamais voir les rayons du soleil, alors que moi j’ai pu les voir jusqu’à 46 ans. Je me suis donc ressaisie et ça a été un déclic pour moi », fait savoir Eliane Ouédraogo Bambara.

Une reconversion professionnelle

Avant d’être aveugle, dame Eliane faisait partie du personnel de soutien du lycée municipal de Paspanga. Mais, après sa phase d’adaptation à sa nouvelle condition physique, elle décide d’entreprendre une activité. C’est là qu’elle se souvient de l’activité de production de soumbala et de farine qu’elle avait apprise avec sa mère. « Depuis toute petite, j’aidais ma maman à faire du soumbala. Produire de la farine est une activité que presque toutes les femmes savent faire. Malgré que j’ai perdu la vue, j’ai réfléchi à quoi faire pour ne pas rester sédentaire ou sortir mendier », a-t-elle indiqué.

Cependant, malgré qu’elle a trouvé sa voie, cette activité n’est pas facile, surtout avec sa condition d’aveugle. Elle se fait alors assister et aider par une vieille dame ainsi que par ses enfants. N’eût été sa ferme volonté, il aurait été impossible pour elle de mener cette activité de transformation.

« Pour fabriquer du soumbala du début à la fin, il faut au moins compter quatre jours pour aboutir au résultat final. Le premier jour, il faut décortiquer les graines de néré tôt le matin, puis les étaler au soleil et séparer les graines de leur peau. Ensuite, il faut faire bouillir le tout et surveiller le feu jusqu’au soir. Puis, il faut piler en enlever encore la peau et les petites imperfections. On lave le tout encore plusieurs fois. C’est après tout cela et d’autres choses qu’on laisse au repos pour que ça fermente, avant de l’étaler au soleil. Pour terminer, nous faisons des boules de soumbala prêtes à être consommées », détaille dame Eliane Ouédraogo Bambara.

Éviter de mendier

« Je ne peux pas dire que cette activité ne me rapporte pas, parce que je gagne un minimum d’argent pour ne pas quémander », déclare-t-elle. Mais en raison de son handicap, elle travaille avec des gens et son bénéfice est partagé. En effet, même si elle arrive à faire le maximum de travaux sans aide, pour la phase de tri, elle a besoin d’assistance. Pour le moment, elle ne possède pas un point de vente fixe pour ses produits. Elle ne fait pas non plus la promotion de son soumbala. « Mes voisines au quartier qui vendent des condiments achètent en gros pour revendre. Mes anciens collègues au lycée municipal de Paspanga aussi sont des clients réguliers. C’est un peu de gauche à droite, à travers mes connaissances et les recommandations, que j’arrive à vendre mon soumbala », indique la brave dame. Avec le soutien de sa famille, elle arrive à faire des productions de façon régulière.

Elle souhaite que toute femme, peu importe son handicap, arrête de se fixer des limites parce qu’on peut écarter ce facteur et se prendre en main. « Si je m’étais dit que parce que je suis aveugle, je ne peux pas faire du soumbala, j’allais certainement sortir dans les rues mendier. Il est difficile d’oublier son handicap, mais il faut le surmonter et trouver une activité », a-t-elle dit pour conclure.

Farida Thiombiano
Lefaso.net

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