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Soeur Marie Reine MEDA : Eduquer sans discriminer, la vocation de l’école catholique.

dimanche 25 mai 2014

Voilà 113 ans déjà que l’enseignement catholique se déploie pour le bien de toute la nation burkinabè. Innombrables sont les acteurs qui y interviennent, et qui cherchent chaque jour à le rendre meilleur pour le bien de tous les enfants burkinabè, qui en sont pensionnaires. Fait partie de ceux-là, Sœur Marie Reine MEDA. Portrait.

Un amour fou pour l’éducation catholique. C’est ce que nourrit la présidente actuelle de l’UREP, l’Union des religieux/ses enseignants du primaire et du préscolaire. Baptisée Régina à sa naissance, elle s’appellera Sœur Marie Reine MEDA en religion. En poste actuellement, dans le complexe scolaire des Sœurs de l’Annonciation de Bobo (SAB) à Cissê, Ouagadougou, celle qui marque à son compteur 31 ans dans l’enseignement catholique, dont 20 ans en territoire ivoirien, ne laisse voir le moindre signe de fatigue, malgré le poids des années passées à supporter les cris des petits qu’elle chérie particulièrement

« L’école est le lieu de prédilection pour évangéliser », rassure-t-elle l’air convaincante. Après tant d’années de service dans les écoles des communautés SAB en Côte d’Ivoire, elle s’inscrit à la demande de ses supérieures, pour une année académique de recyclage à l’Université Catholique d’Abidjan (UCAO). Option catéchèse. Aggiornamento oblige. Elle sait que se mettre à jour dans le domaine, lui donnera plus d’outils pour plus d’efficience dans l’enseignement religieux dispensé dans les écoles des SAB.

Depuis 2011, celle dont l’enseignement catholique est le cheval de bataille, préside aux destinées de l’UREP. Née de la volonté de l’Union des Supérieurs/res Majeurs du Burkina(USMB), cette union se donne pour objectif de créer un espace de rencontre pour les enseignants. Ceux-ci peuvent ainsi y réfléchir sur les problèmes liés à leur fonction, et s’assurer une formation permanente en vue d’avancer ensemble. L’UREP, susurre Sœur Regina, est ouverte à tout religieux/se qui enseigne. Serait-elle née du hasard ?

La native de la paroisse de Maria-Taw infirme du chef, avant d’ajouter souriante « la création de l’UREP prend racine dans une organisation similaire créée par l’USMB dans le domaine de la santé, et qui a fait ses preuves ». En 2004 en effet, explique-t-elle, les responsables constatant que les religieux œuvrant dans la santé menaient des actions efficaces et arrivaient à faire face aux difficultés qu’ils rencontraient, ont jugé opportun de mettre en place, une structure semblable, dans le vaste champ de l’enseignement, où l’Eglise catholique est fortement engagée. Ainsi est née l’UREP, agréée toute suite par le ministère de l’intérieur. A ses débuts poursuit sœur MEDA, « l’UREP ne visait que le primaire, mais l’urgence est telle aujourd’hui qu’elle couvre ce grand pan de l’éducation qu’est le préscolaire ».

Petits moyens, nobles ambitions.

Avec les moyens limités dont elle dispose, l’UREP, organise au cours de chaque année scolaire, deux formations au bénéfice de ses membres dont le nombre dépasse un peu la centaine. Pour cette année scolaire 2013/2014 déclare sœur MEDA, « la première session de formation a eu lieu en novembre 2013, et a porté sur la question de la violence en milieu scolaire. La seconde se tiendra du 26 au 29 mars dans le diocèse de Banfora, et elle offrira aux participants, une formation sur le dialogue inter religieux ».

Selon la native du Ioba, « certains conflits naissent dans la société et dans nos écoles simplement à cause de l’ignorance ». Lorsque l’on connait peu ou pas du tout l’esprit de la religion pratiquée par l’autre, on peut facilement se mettre en position de conflit contre lui. « Nous accueillons beaucoup d’enfants non catholiques dans nos écoles, et pour mieux les intégrer et les aider, il importe pour nous de connaitre et de nous intéresser à leur religion », indique sœur MEDA, avant de raconter, l’air détendue, cette anecdote : « Je me souviens que lorsque j’étais en Côte d’Ivoire, j’habitais dans un quartier où vivaient beaucoup plus de musulmans que de chrétiens. Une maman musulmane vint me voir un jour, afin que je convainque son mari farouchement opposé à ce que son fils fréquente l’école catholique. J’ai alors demandé que l’on m’apprenne comment prient les musulmans. Ayant compris comment ça se passait, je l’ai transmis aux écoliers en insistant qu’ils prient avec les parents à la maison. Voyant donc que l’école catholique ne visait pas à détourner son enfant de sa pratique musulmane, ce papa y a inscrit tous ses enfants, et était devenu un des défenseurs des valeurs de l’école catholique ».

L’école catholique rassure sœur Marie Reine, est un puissant moyen de fraternisation. Grâce à elle, certaines régions s’ouvrent et sortent progressivement des espèces de « ghettos » créés par la religion. Parce que nous avons des élèves dans certaines familles souvent fermées, nous pouvons y rendre des visites de routine sans que cela soit mal vu. La formation attendue à Banfora va permettre à tout enseignant religieux, de s’outiller pour mieux aider les enfants musulmans à connaitre leur foi. Ceci contribuera à leur ouvrir l’intelligence sur ce qu’ils répètent parfois sans rien comprendre auprès des leurs. « Toute cette stratégie participe à la formation que nous voulons complète dans nos écoles catholiques » martèle Sœur Marie Reine. Les problèmes de la société peuvent se ramener à l’école. Il existe par exemple des parents qui refusent que leurs enfants participent aux activités religieuses prévues dans les écoles catholiques. « Nous n’en faisons pas un problème », assène sœur Marie Reine, avant de s’étendre sur ce qu’elle pense être l’identité de l’école catholique : « L’école catholique n’a pas pour vocation de convertir les enfants. Nos activités religieuses sont ouvertes, mais leur participation n’est pas obligatoire. En revanche, apprendre à un enfant le sens du sacré, le respect de l’Etre Suprême, ne peut nullement être nuisible pour l’enfant. Car c’est le même respect que toutes les religions vouent à Dieu. Nous avons cette consigne sacrée dans nos écoles, celle de n’obliger aucun enfant non catholique à prier comme les autres enfants catholiques ».

Les enseignants dans les écoles catholiques sont souvent témoins que certains enfants sont tiraillés entre les ordres qu’ils reçoivent en sortant de leur maison pour l’école, et leur propre envie de faire comme leurs camarades chrétiens. Les enfants musulmans qui s’affranchissent de ses interdictions et qui accueillent toute la formation dispensée, à l’instar les enfants catholiques, ont parfois les meilleures notes en instruction religieuse. Mais selon Sœur Marie Reine, « ce n’est pas pour cette raison que nous les présentons au baptême. Ils restent musulmans et sont respectés dans leur foi par les enfants catholiques. C’est un scandale que d’empêcher les enfants d’être ensemble, sous le prétexte de la religion ».

A entendre Sœur MEDA, les écoles catholiques sont des pépinières d’apprentissage du vivre ensemble bien que différents, comme l’illustre cette anecdote : « Invités à apporter chacun un plat à l’école pour le noël des enfants, un enfant musulman est revenu sans le plat demandé, parce que son papa lui aurait dit que Noël n’est pas une fête musulmane. Sa maîtresse lui ayant expliqué que c’est le partage qui est célébré, l’enfant rentra chez lui et ramena plus d’un plat ».

C’est toutes ces approches et tous ces tacts que les religieux vont acquérir à travers la formation qui se tiendra à Banfora. Les parents aiment leurs enfants, et aucun enseignant n’a le droit de séparer un enfant d’avec les siens, en lui apprenant autres convictions religieuses que celles des parents. Que faire alors, lorsqu’il arrive que des enfants musulmans inscrits à l’école catholique, demandent à suivre la catéchèse en vue du baptême ? « Dans nos écoles, répond sœur MEDA, nous exigeons que les parents de tels enfants donnent leur accord avant que nous les admettions pour la catéchèse. Dieu faisant bien les choses, il n’est plus rare de voir que dans les familles, certains enfants confessent la religion qu’ils ont choisie à l’âge adulte, librement et en conscience, à côté de parents confessant une autre religion. C’est ce que nous devons tous viser à inculquer à nos enfants dans toutes les écoles, en vue de créer des assises sures d’une société bBurkinabè respectueuse des différences quelles qu’elles soient ».

L’école catholique comme un moyen d’évangélisation.

Dans certaines écoles catholiques au Burkina, il y a plus d’enfants musulmans inscrits que de catholiques. Loin d’inspirer la peur, c’est une grâce à accueillir. « Nous sommes invités, précise Sœur Marie Reine, à une annonce indirecte de Jésus, par le bon comportement et le bon accueil ». En réalité, sa conviction est que seul le bon témoignage donné peut décider à la conversion. Dans ce sens, il n’y a point besoin de pousser quelqu’un à la conversion par la force ou en appâtant. Voilà à quoi s’attèle l’école catholique, telle que le veulent tous les évêques de la Conférence Episcopale Burkina/Niger.

Toujours présente aux événements douloureux que certains de ses élèves connaissent, Sœur MEDA croit enseigner de cette manière, que connaître l’autre dans ce qui fonde sa différence avec soi est la clé d’une tolérance qui se moque de la méfiance. Les hommes peuvent se tolérer sans s’accepter dit-elle, mais l’école catholique éduque dans le sens d’une tolérance positive, dénudée de tout cliché.

L’abbé Gabriel KINDO du diocèse de Ouahigouya, diplômé des universités magrébines et expert dans le domaine du dialogue inter religieux, saura sans doute donner à tous les participants à cette formation, ce qu’il faut pour un meilleur encadrement des enfants dans les écoles catholiques du territoire national.

Abbé Joseph KINDA

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