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Burkina/Célébration du 8 mars : Une journée de l’« hypocrisie » ?

vendredi 8 mars 2024

Chaque 8 mars, la communauté internationale célèbre les droits de la femme. Malheureusement, certains ne semblent pas prendre conscience du réel enjeu de cette journée.

L’émancipation des femmes n’est pas un acquis. À travers le monde, des personnes morales et physiques, malgré les menaces et préjugés, militent sans relâche pour permettre aux femmes de s’épanouir. Hélas, les chiffres font froid dans le dos. Une femme sur trois au monde a été victime de violence physique ou sexuelle, selon l’ONU. Le plus souvent par un partenaire intime. Le harcèlement sexuel est lui plus élevé. Au Burkina Faso, selon le ministère de la Solidarité, de l’action humanitaire, de la réconciliation nationale, du genre et de la famille, en 2020, ce sont 5 324 cas de VBG (violences basées sur le genre) qui ont été enregistrés, dont 772 cas de violences sexuelles (84 hommes et 688 femmes).

En 2021, 11 020 cas ont été enregistrés, dont 1 333 cas de violences sexuelles (1 040 femmes et 293 hommes).
En 2022, 11 116 cas de VBG ont été enregistrés, dont 1 872 cas de violences sexuelles (1 715 femmes et 157 hommes). Comme on peut le constater, la majorité des victimes sont des femmes. Pour des experts, ces chiffres sont en-deçà de la réalité, car, une grande partie des victimes peinent à dénoncer les coupables. Et ce, sans compter le poids des pesanteurs socio-culturelles sous lequel croupissent les femmes au quotidien.

Des propos aux actes, il y a une urgence à changer

Étrangement, le jour du 8 mars, on a l’impression que certains individus deviennent amnésiques. Sur les réseaux sociaux, dans les groupes et les statuts WhatsApp, des images et des messages sont diffusés en boucle. « Bonne célébration aux femmes », « vive les droits des femmes », « respectons les droits des femmes », « sans les femmes, rien ne peut se construire », … Si tout le monde prône ces valeurs en ce jour particulier, on se demande bien qui brime donc les femmes ? Des victimes d’agressions physiques et sexuelles ont confié que leurs bourreaux publient ce type de messages sus-cités à cette occasion. C’est l’hôpital qui se fout de la charité ! Des hommes qui ont refusé catégoriquement que leurs épouses travaillent ou/et qui les battent à la moindre occasion, souhaitent « bonne fête de 8 mars aux femmes ». Des individus qui harcèlent leurs collaboratrices ou des stagiaires, au point même où elles sont effrayées de se rendre sur le lieu du travail, viennent publier des messages pour encourager la gent féminine.

Ce 8 mars, des partenaires violents vont encore acheter le pagne choisi à cette occasion pour leurs conjointes, en prenant le soin, pour certains, de poster une photo sur les réseaux sociaux avec des déclarations d’amour. Il en est de même pour les pro-excision et ceux qui encouragent des femmes à rester dans leurs foyers, malgré les violences qu’elles subissent. « Il faut repartir là-bas. Le mariage c’est pour le meilleur et le pire. Tu dois faire ce qu’il te demande. C’est de ta faute s’il a commencé à te frapper », sont les phrases que les victimes entendent de la part de leurs proches, voire de leurs propres parents. Ce même entourage viendra faire les éloges de la femme le jour du 8 mars sur les réseaux sociaux. « Foo ni wendé ? » (‘’de toi à Dieu ?’’, comme aime-t-on s’exclamer dans notre société).

Il y a même qui ont, dans leur langage au quotidien, tendance à dire ceci : « Elle est responsable de son viol. Qui l’a envoyé là-bas ? C’est son habillement qui a fait qu’on l’a violé » ou qui font des blagues à propos d’un sujet aussi ignoble que le viol. Ces individus banalisent le viol. Il y a aussi ceux qui font des blagues sexistes, mettant mal à l’aise les femmes dans leur entourage. Et que dire de ces employeurs qui ne veulent pas embaucher de femmes, sous prétexte qu’elles portent des grossesses ou qu’elles ne sont pas efficaces au travail ? Ces individus semblent oublier qu’il a fallu qu’une femme ait fait le choix de les porter pour qu’ils deviennent des chefs d’entreprises aujourd’hui.

On a donc l’impression que cette journée est devenue celle de l’hypocrisie. Souhaiter bonne fête du 8 mars ne doit pas être un vain mot. Il faut le faire par conviction. Il faut œuvrer à contribuer à l’épanouissement de la femme. Cela doit se faire à chaque instant. Il ne s’agit aucunement de faire semblant juste pour se conformer.

Lire aussi : Violences faites aux femmes : « Celui qui blesse une seule femme profane Dieu », dénonce le pape François à l’occasion du nouvel an

Bref, ce 8 mars, une fois de plus, comme il faut s’y attendre, les messages vont couler à flots sous nos cieux. La preuve, un chanteur a été invité pour un concert à Ouagadougou pour, dit-on, célébrer la femme. Paradoxal quand même, lorsque ce petit rappel renvoie à ces images de 2021, où il a été accusé de violences conjugales sur son ancienne compagne. L’indignation générale que cela a suscitée, y compris au Burkina, reste encore vive. Alors, quel message veut-on véhiculer à travers cette invitation à célébrer une date de 8-mars ?

En tout cas, courage à celles et ceux qui luttent d’arrache-pied pour inverser la tendance. Les habitudes ont la peau dure. Il va falloir donc s’armer de courage et de patience.

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Samirah Bationo
Lefaso.net

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